Moment de recueillement...

Personnel de maison Nombre de messages : 1696 Date d'inscription : 28/08/2007

Le 05 Novembre 1455

Rhoman

Le temps était au froid. L'hiver serait rude, long, et douloureux pour les familles. Pour le moment, le soir était venu. L'humidité rongeait les os. Elle s'alliait, pour briser les désirs, aux bruits pleins de promesses sombres. L'homme pénétra dans l'enceinte sacrée. Son manteau usé serré sur le devant, ses doigts crochetés sur l'encolure, il avançait, pas las. Une brume légère soufflée de sa bouche charriait ses paroles discrètes.

- Quelques jours que je suis chez Dame Catchine. J'ai vaqué à mes occupations. Dans la journée, je suis absent, ou le parais assurément lorsque je suis avec elle. Je contemple les flammes, même en sa compagnie. Dure tâche, et rudement conviviale ! Et la nuit, j'erre parfois. Je crains mon propre sommeil. Mes propres paroles. Ou je m'agite sur ma couche. La faute à ces songes terribles, devenus si fréquents.

Sa tête hochait, signe de son dépit, alors qu'il continuait sa marche. Il arriva en vue des premières tombes enserrant l'Église de leur linceul de terre et de pierres. Les quelques croix de bois se distinguaient sous la lumière terne du ciel dégagé. Dans ce halo nocturne, le clocher paraissait magistral et menaçant, mais l'homme ne le perçut pas, plongé dans ses tourments.

- Je ne suis pas d'une compagnie agréable, un brin maussade et toujours plus famélique. Malgré sa bonne humeur et ses repas. Elle doit bien s'inquiéter pour moi. Peut-être.

L'homme fit silence. La brume qu'il provoquait au rythme de sa respiration disparaissait à chaque fois qu'il faisait un pas vers l'avant. Son regard avisa une petit autel de pierre au pied du mur de l'autre coté du petit cimetière. Avec précautions, car le froid tendait ses mouvements, il traversa l'espace jusque là. Sa marche se finissait à cet endroit. Tentant de préserver un peu de chaleur, il releva un peu plus haut son col et tapotât ses mains sur le haut de ses bras. Ses yeux cherchaient une inscription sur la pierre, qu'ils ne trouvèrent pas.

- Évidemment.

Il resta de longues minutes posé devant le monument. Ses pensées l'occupaient totalement. À un moment, l'homme s'agenouilla, puis posa ses mains sur le sol roide, évitant ainsi de chuter vers l'avant. Un tressaillement l'agita. Puis un autre. Un soubresaut plus puissant releva son dos. Son chagrin s'échappait enfin. Il pleurait tant et tant qu'il ne la vit pas arriver.

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Myana

Le vent se leva et, privées de leur dernière trace de vie, les feuilles d'automne des arbres bordant le petit cimetière vinrent tapisser son sol dur et froid dans un bruissement léger.
Une ombre sembla s'étirer non loin, comme sortant d'un sommeil profond et, de nouveau, un bruissement se fit entendre, presque imperceptible, noyé au coeur des sons vespéraux.
L'ombre s'étira encore, s'approchant de l'homme vide d'espoir qui, les mains ancrées sur le sol rêche, semblait s'y accrocher pour ne pas sombrer plus profondément, plus loin, trop loin...
Un parfum léger sembla réchauffer l'air ; un parfum d'été, de chaleur, l'odeur douce et entêtante d'une fleur d'oranger, l'odeur d'un amour qui ne pouvait se faner et mourir comme la nature se devait de le faire en ces jours.

Une main éthérée se posa délicatement sur la chevelure emmêlée de l'homme à terre et le vent se leva de nouveau, portant un murmure à peine audible qui sembla pourtant emplir les lieux.

- Rhoman...

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L'Ombre Blanche

De la Chapelle sortit une ombre... Sans bruit elle glissa vers les deux êtres si loin et si proches l'un de l'autre... Puis elle murmura :

"Laisse les vivants aux vivants... Laisse les morts aux morts..."

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Rhoman

Ses cheveux longs tombant tout autour de son visage bougèrent, doucement. Des gouttes roulèrent sur ces mèches rendues humides par la buée et les larmes. Un dernier hoquet accentua leur mouvement. Parvenues au bout de leur course, elles s'agglutinèrent une par une, formant une petite pierre molle scintillante d'un éclat de lune. Ce petit morceau de tristesse se tendit sous son poids puis tomba vers le sol, se rattrapant sur le dos d'une main pour rouler ensuite vers la terre, qui l'accueillit enfin. Rhoman n'avait plus de larmes. Son corps se calma. Il lâcha son souffle retenu trop longtemps. Le vent porta ce dernier souffle. Il crut l'entendre l'appeler. Ses cheveux bougèrent doucement.

- La brise se lève, dit-il.

Ses sens de retour lui indiquèrent les ombres et la lumière nouvelle de la lune dégagée, le vol complexe des feuilles, et les parfums subtiles du froid humide de l'automne qui trainaient dans l'air, accompagnés d'il ne savait quoi. Un souvenir de sueur douce et de sucre lui revint ; un souvenir tendre. Rhoman s'assit sur le sol, secouant ses mains puis les serrant contre lui, retrouvant un peu de chaleur. Accompagnant le souvenir, cette chaleur revigora ses pensées.

- Ma douce et belle...

Ses yeux montèrent au ciel.

- M'entends-tu seulement ?... Je suis si loin de toi maintenant...